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magiques

Some are born great,

some achieve greatness,

and some have greatness thrust upon them.

Il paraît que le théâtre n'est pas – plus ? – à la mode. Du moins, c'est ce que m'a dit mon frère, lui, si branché. Darius et son petit sourire goguenard : "toi ? Président d'un club ?". Il n'a pas continué, mais le reste s'entendait dans le ton moqueur qu'il a emprunté ; sa petite voix nasillarde – il a un rhume. Ah, comme c'est drôle, de voir son jumeau se lancer dans un projet trop fou pour ses petites épaules ! L'encourager ? Non, vous rigolez, j'espère ? C'est toujours plus amusant de le descendre plus bas que terre.

Ses sarcasmes n'ont pas de prise sur moi. Ils glissent.

Le théâtre n'est plus à la mode. Mais la mode et moi, si ce n'est une antithèse, a un relent de paradoxe. Ne suis-je pas fondamentalement trop complexe pour ces choses-là ? Pour ma famille, en tout cas, si. Et pour moi-même aussi, d'ailleurs ; je dois bien l'avouer.
Je n'ai jamais été à la mode ; je crois qu'être cracmol condamne à peu près toute chance de popularité.
Soit, à moi les passions miteuses. Au moins, je peux me prétendre original, puisqu'il faut se donner une étiquette.

J'ai eu – que dis-je ? J'ai nourri l'effroyable idée de monter un club de théâtre. Ou, pour être plus précis, de jeu dramatique. Quel merveilleux projet ! Et dire que j'ai voulu y croire, que je me suis réconforté en me disant qu'il y aurait au moins un pauvre élève, dans toute cette école, avec un semblant d'âme littéraire. Une personne dont le portable n'a pas encore aspiré ce qui lui reste de vitalité…!

Que nenni.
Ce que je peux être naïf, parfois. C'est vraiment affligeant.

Me voilà. Il est très exactement dix-huit heures quinze ; j'ai monté quatre étages il y a maintenant un peu plus d'une demie-heure et j'ai cru, accessoirement, perdre un poumon… Bref : une véritable épopée pour trouver asile dans cette salle qu'on dit réservée aux clubs, et qui est tapissée d'images de champions de bavboules. Car, effectivement, personne ne m'a attribué une salle fixe. Pour ça, il faut plus de dix membres, et mon petit doigt me dit que ce n'est pas prêt d'arriver.
En bref : je suis là, seul, comme un idiot, et j'attends.

En début de semaine, j'ai collé quelques affiches ; certaines ont été décrochées entre temps, ou remplacées par d'autres – le respect, visiblement, n'est pas monnaie courante –, d'autres (rares celles-ci) sont bien heureusement restées intactes. Alors, j'ai espéré que certains élèves les aient vues, et aient retenu la date et l'heure de cette ouverture.
Mais – intuition ou lucidité, je ne sais pas – quelque chose me dit que j'ai été un peu trop optimiste.
Darius avait peut-être raison, finalement.

Soupirant à pleins poumons, je jette un regard circulaire autour de moi… Cette salle, en plus d'être particulièrement petite et laide, est incroyablement vide. Un pur plaisir. Et y a-t-il, au moins, une chaise…? Ah ! Oui, en voilà une, collée contre le mur du fond : évidemment, les bavboules ne demandent pas d'être assis, mais accroupi… Quel jeu barbare et répugnant. Je ne comprends le plaisir que certains peuvent trouver à jouer à cette immense plaisanterie. Rien que de penser au liquide nauséabons que ces maudites billes libèrent lorsque l'on rate son coup, j'en ai un haut-le-cœur. Darius aimait beaucoup trop jouer aux bavboules, quand nous étions petits. Depuis, je leur voue une haine invétérée.

Au moins, ils ont pensé à conserver une chaise, et ça, c'est de tout de même très intelligent. Je la tire donc jusqu'à moi et m'y laisse tomber avec lassitude : il semblerait que mon ouverture de club se soit transformée en soirée lecture…
Je n'attends pas plus pour ouvrir mon livre à la page où je m'étais arrêté : autant optimiser mon temps.
Mais, j'ai beau parcourir les phrases, les ingérer et essayer de les décrypter, rien ne me paraît plus difficile à comprendre ; tout se brouille et s'efface en quelques secondes, et je reprends dix fois la même ligne, non sans que la frustration se fasse une place dans ma poitrine. Si je persévère encore quelques minutes, je finis pas refermer l'ouvrage en un claquement sec qui résonne dans la salle vide : bon effet acoustique, tiens.
Ça, c'est plutôt un bon point.

Et je m'énerve encore plus.

Je déteste l'échec. Ou plutôt, j'ai beaucoup de mal à le tolérer.
Et là, je sens bien que mon idée de club est en passe d'aboutir à un échec cuisant. C'est beaucoup de déception ; une déception viscérale, qui s'accompagne d'une agressivité passive, mais bel et bien présente… Je m'insurge contre l'acculturation générale, le désintérêt des jeunes pour les trésors de la littérature et de la langue française. Si je me mets à pester à haute voix, je pense que je suis lancé pour la soirée. Alors, autant lire. Lire, oui, mais si je n'y arrive pas ?
Bonjour le cercle vicieux. Décidément, quelle situation mer-veil-leu-se.
Je suis ravi.

C'est donc non sans beaucoup d'amertume que j'essaie de m'accrocher aux phrases de mon roman, comme un athlète qui persiste à vouloir lutter contre un mauvais jour et de mauvais résultats : je ne retiens absolument rien de ce que je lis… Pourtant, je me laisse aller à cet état de déconnexion mentale, laissant mes yeux parcourir le texte sans chercher à interpréter le sens des mots, et ce pour dix minutes de plus…
Lorsque je relève la tête, il est trente. Dix-huit heures trente. Et non : ce n'est pas l'abandon pure et simple de cette lecture laborieuse qui me détache des pages de ce livre, mais un bruit, soudain, comme une détonation, un coup de tonnerre inattendu et inespéré.
En quelques mots : un coup de théâtre.

J'envisage le nouvel arrivant de derrière mes lunettes. Je les relève doucement sur l'arrête de mon nez, le détaille de la tête aux pieds et… Oh, lui.
C'est quoi son nom, déjà ? Je l'ai croisé plusieurs fois en cours, et il ne m'a jamais vraiment laissé indifférent. Ses cheveux colorés, ses vêtements tape-à-l'œil, et enfin, cette capacité à se détacher du regard des autres… Oh, comme c'est étrange… Je ne me souviens plus de son nom. Chang quelque chose, peut-être…?
Il me semble tout essoufflé, un peu comme moi après avoir monté les quatre étages. Je le dévisage d'abord en silence, puis me permets de le saluer – à ma façon, on va dire :

– J'avais noté dix-huit heures, sur l'affiche. Tu t'es sans doute trompé d'une demie-heure ; le temps est décidément indéchiffrable. Une petite pointe sarcastique, certes, mais il ne croit tout de même pas que je ne vais pas souligner un tel retard ?

Mais, à peine le feu mis à la poudrière que je l'éteins ; j'aime décidément beaucoup trop m'amuser des passions et égos de chacun ;

– Enfin, ce n'est pas comme si nous étions une dizaine. Il semblerait qu'il n'y ait personne, et que par conséquent, tu n'aies rien raté.

Je me lève et pose sur mon assise le livre que je tenais jusqu'à présent ouvert dans mes mains. Réduire la distance, faire un effort de proximité et d'amabilité – pas toujours évident. Je lui tends la main, formel, et annonce sans plus de cérémonie :

– Florian. Et toi… C'est Chang…? Lang…? Zut, les noms étrangers, ce n'est vraiment pas mon fort. Tu m'excuseras. J'esquisse un petit sourire amusé en laissant traîner mon regard sur son uniforme, et surtout ses couleurs. J'espère que tu n'as rien contre les robes vertes ; une rumeur dit que notre entente n'est pas des plus cordiales avec les Dandeloups. Mais si tu veux mon avis – et même si tu ne le veux pas, je te le donne quand même –, ces histoire de maisons, j'en ai par-dessus la tête.

Some are born
great

feat. Florian F.

Quand ses yeux se posèrent sur l’affiche, Liang ne put empêcher la déferlante d'excitation qui monta dans sa poitrine.

Il ne lui fallut qu’une seconde pour arracher l’annonce collée au mur, lisant et relisant les mots qui y étaient inscrits afin de s’assurer qu’il allait se souvenir du temps, de la date, de l’endroit avant de l’enfoncer tout aussi vite dans sa poche, prêt à partir à la recherche de son meilleur ami afin de lui annoncer que ‘oh my god, Jean-Loup, tu vas jamais deviner ce que je viens de voir’.

Car sur ce petit morceau de papier se trouvait l’annonce qu’un tout nouveau Drama club était sur le point d’être lancé.

Bien sûr, Liang avait plus d’une fois pensé à créer un club de théâtre; c’était sa passion, la seule chose à laquelle il savait depuis des années vouloir consacrer son futur, et ce serait mentir que de dire que ça ne lui manquait pas lorsqu’il était à Gargoule. Mais il n’avait jamais pensé avoir ce qu’il fallait pour lancer une telle initiative; la seule chose qu’il savait faire était de jouer les rôles qu’on voulait bien lui attribuer, et ça prenait bien plus que ça.

C’est pourquoi Liang savait qu’il n’y avait aucune chance qu’il allait laisser filer cette occasion.

Et il savait qu’il était déjà tellement occupé, avec tous les clubs auxquels il participait déjà ou qu’il avait lancés, tous ses amis avec qui il voulait passer du temps, et les cours et tout le reste mais-

Mais.

Mais c’était le théâtre. Il devait aller voir, devait s’assurer que ça allait en valoir la peine, et si c’était le cas - il espérait que ça l’était -, il allait s’arranger pour le faire entrer dans son horaire chargé. Définitivement. D’une façon ou d’une autre.

La journée de la première rencontre, le temps avait rarement semblé passer aussi lentement. Même en classe, où il était normalement toujours attentif et à l’écoute, il dû plus d’une fois se remettre à l'ordre lorsque son esprit commençait à vagabonder, se rappeler qu’il devait actuellement écouter.

Puis la soirée arriva. Il mangea bien vite avant de dire au revoir à ses camarades, puis monta à son dortoir afin d’aller y porter ses manuels et tout ce dont il n’allait pas avoir besoin.

Et soudainement, c’était le drame.

Parce qu’il n’arrivait pas à trouver ni son téléphone, ni sa baguette.

Après une recherche frénétique, Liang finit éventuellement par mettre la main sur son portable, avant de passer beaucoup trop de temps à essayer de retrouver sa baguette magique dans le bordel chaotic qu’était sa section du dortoir - et celles de ses voisins également, considérant le fait qu’il venait de balancer le contenu de la moitié de sa garde robe dans tous les sens. Il allait vraiment falloir qu’il s’excuse car il n’avait tout simplement pas le temps de ranger tout ça; l’heure sur son téléphone lui indiquait en noir sur blanc qu’il était déjà tellement en retard, oh my god.

Puis éventuellement, Liang parvint enfin à mettre la main sur sa baguette, s'apprêtant à partir et à s’excuser une bonne dizaine de fois pour son inexcusable retard. Et il l’aurait fait si ce n’était pas à ce moment exact qu’il réalisa que, après avoir bougé la majorité de ses effets personnels en une grosse pile informe sur son lit, son téléphone portable avait disparu. Encore.

Une triste victime de sa bataille sans fin contre l’ordre et l’organisation.

Dans sa panique, il lui fallut quelques autres précieuses minutes pour se souvenir qu’il était un sorcier, et seulement une poignée de secondes pour Accio son portable. Et aussitôt, le voilà parti, descendant à toute vitesse les escaliers puis se jetant par la porte des espaces communs de sa maison avec un 'à toute!' sonore à tous ceux qui s’y trouvaient et un signe de tête rapide à la gargouille à l’entrée.

C’était définitif; il allait devoir s’excuser une bonne centaine de fois.

Et s’il couru pour la presque totalité du chemin entre sa chambre et la salle du club, et bien, il n’y avait que lui qui le savait.

Cela ne l’empêcha pas de grimper les quatre - quatre! - escaliers considérablement plus lentement parce qu’il avait beau être incroyablement en retard et terriblement pressé, il tenait quand même à la vie. C’est tout de même à bout de souffle qu’il s’arrêta finalement devant la porte de la salle indiquée sur l’affiche qui se trouvait toujours au fond de ses poches.

Puis il ouvrit enfin la porte, et après un court instant de silence, une voix finit par l’interpeller, attirant aussitôt son attention.

Liang connaissait cette voix. Il connaissait ce visage, aussi, les cheveux sombres, les lunettes; il avait toujours été particulièrement doué pour se souvenir des gens, et un an et quelques mois étaient plus que suffisant pour apprendre qui se trouvaient dans votre niveau. Florian Feudeymon; il l’avait entendu plus d’une fois parler dans l’une des quelques classes qu’ils avaient en commun. Liang savait que l’autre aimait probablement la littérature, considérant le fait qu’ils partageaient cette année la même classe de Littérature et Philosophie, et que chaque fois qu’il y prenait la parole, il avait toujours quelque chose d’intéressant à dire, mais il ne lui avait jamais vraiment accordé plus d’attention que ça.

Il était en cours, après tout; il était là pour apprendre et rien de plus.

Sauf que voilà, semblait-il que ce dernier aimait également le théâtre. Aimait suffisamment le théâtre pour actuellement créer un drama club à Gargoule.

Oh.

Comme par automatisme, Liang se saisit de la main qu’on lui tendait pour la serrer avec un ‘uh, hello’, se retenant à la dernière seconde de, sans doute un peu stupidement, mentionner qu’il connaissait déjà son nom. La petite remarque sur son retard plus que conséquent ne manqua pas, quant à elle, de lui donner envie de disparaître sous les dalles du plancher; il pouvait déjà sentir l’embarras brûler sur son visage.

Ce ne fut que lorsque le garçon mentionna sa maison que Liang réalisa qu’il portait toujours son uniforme - le léger sourire et la pointe d’amusement qu’il pouvait discerner chez Florian eut au moins le mérite de le rassurer quant au fait qu’on lui en voulait sans doute pas trop.

S’il avait l’habitude de toujours enlever son uniforme scolaire dès qu’il en avait l’occasion, il avait de toute évidence oublié de le faire cette fois-ci, trop occupé à essayer - et à échouer - de se pointer dans les temps à ce qui, il en était certain, allait être l'un de moments les plus importants de la semaine. Non, du mois entier.

-Chan- hum, c’est, euh, c’est Liang-Xue, lui dit-il tout en sachant pertinemment que personne n’arrivait jamais à le prononcer correctement du premier coup - ni même du deuxième ou troisième. Même à Mahoutokoro, il avait bien vite fini par se faire à la triste réalité que son nom était apparemment trop complexe pour le commun des mortels qui ne parlaient pas sa langue natale. Mais tu peux m’appeler Liang si tu veux. Et vraiment, je m’en balance de quelle maison les gens peuvent bien venir, ajouta-t-il avec un geste de la main, comme pour balayer l’idée même que la couleur de l’uniforme que l’autre portait pouvait avoir le moindre impact sur son opinion. Il y a des gens bien partout, et des gens qui… sont euh, moins bien partout aussi, donc bon, c’est franchement pas très important.

Après tout, chaque maison avait ses propres caractéristiques, et vraiment, il aurait été bien impossible de faire parfaitement entrer chaque personne dans quatre petites cases bien définies. Tout le monde était différent, au final.

C’est à ce moment qu’il se souvint d’à quel point il était arrivé en retard à cette première rencontre, le malaise qui n’avait fait que s’alourdir lorsque Florian le lui avait rappelé repointant le bout de son nez pour le frapper en plein dans la poitrine.

Oh, c’était horrible. Le pire. Et si jamais l’autre élève croyait qu’il ne prenait pas la chose au sérieux? Pensait qu’il était ici simplement parce qu’il n’avait rien de mieux à faire?

Liang espérait juste que le fait qu’il semblait être la seule personne à s’être pointée - et n’était-ce pas là quelque chose d’aussi triste que décevant - voulait dire qu’on allait au moins lui laisser la chance de prouver qu’il n’était pas là pour faire perdre leur temps à tout le monde.

Vraiment. La prochaine fois, il allait faire de son mieux pour être à l’heure, quitte à venir sans son téléphone portable, et tous ceux qui le connaissaient au moins un minimum savaient à quel point il était rare de le voir sans qu’il ait l’appareil collé à la main.

-Et, oh my god, je suis tellement désolé d’arriver en retard comme ça, j’ai vraiment aucune excuse. Enfin, j’ai une excuse, mais elle est tellement merdique qu’elle mérite même pas d’être mentionnée et je te le jure, ça arrivera plus. Puis un court instant de silence alors qu'il se passait machinalement une main dans les cheveux, ce sentiment d'embarras qui ne semblait pas vouloir le lâcher grimpant lentement en lui au fil des secondes qui passaient. Probablement plus.

Oh seigneur, mais faites le taire, quelqu’un, parce que pour ce qui était de faire une bonne impression, on allait repasser, hein.

Sauf que bien vite, l’excitation du pourquoi il était actuellement là parvint à le gagner une nouvelle fois, le poussant à regarder autour de lui afin de détailler du regard l’endroit où, il l’espérait, il allait passer une bonne dose de son temps à faire ce qu’il aimait.

Ce… n’était pas grand chose. Il n’y avait qu’une seule chaise et sur les murs, quelques tapisseries de… joueurs de Bavboule? Rien de plus. Enfin, à l’exception d’eux deux, seuls dans la pièce parce qu’apparemment, tout le monde avait raté le mémo.

Car oui. Il était seul. Avec un garçon qui non seulement aimait la littérature, mais le théâtre en prime.

Yeah.

Okay.

No pressure.

-Je sais pas si quelqu’un d’autre va venir ce soir, fit Liang en essayant de ne pas se montrer trop défaitiste, avant d’enfoncer sa main dans sa poche pour en ressortir son portable, agitant vivement ce dernier durant quelques secondes avant de le déverrouiller, l’application Amstramgram déjà lancée. Mais! Qu’à cela ne tienne! Je suis sûr qu’avec un peu de publicité, on va finir par trouver d’autres gens pour se joindre à nous. Ah, pas que tes affiches étaient pas bien, loin de là, mais bon, parfois, vaut mieux tenter quelques avenues différentes et voir ce qui marche le mieux. Et sinon, en attendant, j’imagine qu’on peut commencer…? Oh, je veux tout savoir. C’est quoi les plans? C’est quand les auditions? Je suis tellement- ajouta-t-il avec un large geste du bras qui parvint à peine communiquer tout son enthousiasme presque débordant du moment. Tu peux pas savoir à quel point j’étais content quand j’ai vu l’annonce, vraiment.

Car voilà, il était là depuis moins de cinq minutes, et déjà il était investi dans la réussite du projet; pas qu’il aurait pu faire autrement, au vu des circonstances.

Octobre, 2021

code couleur: #009999

artemis

petit rp surprise

Le Fantôme du Roi Pêcheur

Il vous en a fallu faire du chemin pour arriver jusqu'ici. Le dernier étage. Si proche du toit, qu'ici, vous entendriez presque le vent soufflant au dehors, ce mugissement donne une petite ambiance inquiétante, mais n'est-ce pas là ce qui fera le charme du club? Oui, pourquoi pas après tout. Il ne manque plus qu'un élève se rende à la volière pour que vous perceviez le hululement des chouettes et hiboux. La pièce dans laquelle vous vous trouvez, aussi petite soit-elle, semble si misérable, figée dans un temps bien lointain où elle a connue de meilleur jour. Certainement comme d'autres pièces de Gargoule. Les affiches semblent prêtes à s'effondrées, essayant de résister à l'adversité et se cramponner comme elles le peuvent au mur. Regardez l'un de ces coins en haut à droite s'est détaché et elle penche vers la gauche, mais tient encore bon; on ne voit que le début d'un slogan visant à émerveillé tout joueur de bavboules qui arpentait encore ces lieux.
Le silence ici est pesant. Ce silence-là, car les fenêtres laissent filtrer les bruits de la météo du dehors. Parfois on entend une porte qui claque, seul signe de vie en haut, rare. Mais l'atmosphère est si particulier qu'on y est jamais vraiment indifférent, certains vous diront que soit on aime, soit on déteste.

En cet instant pourtant....il fait bien sombre; comme si un gros nuage venait d'obscurcir toute la salle dans laquelle les deux garçons se trouvent. Néanmoins....son déplacement semble plus anormale, plus surnaturel. Un nuage qui laisse entrevoir une immense ombre à travers les vitraux. Elle était si petite au départ mais n'a t-elle pas grandit? Et puis....le noir.
Le noir absolu. Les ténèbres froids de la mort. Et il était là.
Le fantôme du roi pêcheur.
Il était si grand ou n'était-ce dû qu'à sa posture si droite et imposante? A lui seul il était ce voile d'ombre et cette lueur inquiétante, seul repère dans cette salle qui semblait s'être élargit dans cette nuit sans fin. Lorsque son corps se tourna lentement vers le Feudeymon, vous auriez pu croire qu'il vous avait remarqué mais son regard profondément vide passait à travers vous comme s'il ne vous voyait pas. Il fait si froid, est-ce que les tremblements viennent d'une réaction de peur ou est-ce que votre corps témoigne de ces nombreux degrés de différence par rapport à avant cette apparition?
Aucune attention n'y fut portée. Il glisse, comme le ferait une silhouette qui n'est que le fruit de votre imagination mais vous savez pertinemment que ce n'est pas une hallucination collective. Ce que vous ressentez....ce n'est pas une illusion. Le château entier semblerait presque retenir son souffle alors qu'il passe à quelques centimètres du visage du cracmol, frôlant au passage de sa toge glaciale le dandeloup avant de s'engouffrer dans le mur.
Et soudain, enfin, tout s'arrête. Le temps semblerait presque reprendre son cours, la lumière est là et pourtant, c'est comme si on ne la remarquait pas, tant le choc est encore présent. Il ne fait pas plus chaud non plus, mais cet instant glacial est bien loin derrière vous.

Some are born great,

epsilon

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Les railleries et les clins d'œil espiègles pour cacher l'aigreur de la défaite.
Au moins, lui, il est venu. Certes très en retard, ce qui me laisse assez dubitatif, mais venu quand même. Ce manque de ponctualité me déçoit un peu d'ailleurs – plus que je n'ose me l'avouer. Liang, – car c'est ainsi qu'il s'appelle, je viens de m'en souvenir – ce Liang, je l'ai déjà croisé de nombreuses fois dans mes cours. Nous sommes de la même année, me semble-t-il, et avons une spécialité en commun : la littérature, bien sûr ; ce n'est une surprise pour personne.
Et, il se trouve que, dans l'effarement ridiculement béat où j'étais l'année dernière, je me suis surpris de nombreuses fois à l'épier, l'examiner sous toutes ses coutures, observer, suivre ses faits et gestes avec un intérêt qui n'aurait trompé personne.

Amoureux…?

Non, pas à ce point. Mais je le trouve… Intéressant. Son physique, d'abord, bien sûr. Parmi les sang-purs, les figures étrangères ne courent pas les rues. Son visage a un petit quelque chose d'exotique ; j'aime l'amende délicate de ses yeux, le repli marqué de la paupière supérieure qui retombe sur la mobile… Et dans le creux, cette rangée de cils noires plutôt fournis, très fins néanmoins, comme la matière presque liquide de ses cheveux qui coulent sur ses épaules, où le sarcelle criard de ses mèches contraste avec l'ébène de sa masse capillaire et le blanc de la peau. Ses iris, aussi, d'un ambré chaleureux, sont à l'image de son caractère – du moins de ce que j'ai pu en voir – : flamboyant ; toujours en train de s'agiter, de parader, de se montrer enfin, tel qu'il est, sans aucune honte. N'est-ce pas incroyable ?
De l'admiration, plutôt, ou du moins, un intérêt qui s'est imposé à moi très tôt et que j'ai su écouter sans la moindre hésitation. Il fait partie, comme tant d'autres, des inspirations fugaces, des leçons tirées au terme d'un échange furtif que je m'efforcerai de suivre au cours cette nouvelle année.
Aussi s'était peint dans mon esprit parfois trop prolifique le tableau idéal de cet être qui se tenait aujourd'hui devant moi, et que j'envisageais d'un œil sévère avec ce sourire convenu : hmm, un peu décevant. Sa posture, son expression, sa façon de parler. Je m'attendais à mieux. Peut-être l'aigreur de le voir seul se joindre à cette nouvelle aventure ; je l'ignore.

Tout mauvais joueur que je suis, je lui serre tout de même la main, comme mon père me l'a appris : regarder l'adversaire dans les yeux, étreindre un peu – pas trop – ses doigts entre les miens… Je sens sa peau froide contre ma paume – à deux doigts de frissonner –, et relâche mon emprise, doucement. Au moins, il ne manque pas de spontanéité, et cela me plaît. Moi-même, je tâche de l'être le plus souvent possible, quitte à blesser ; ce n'est pas mon objectif, mais cela fait de toute évidence partie des risques… Lui, il ne s'est pas le moins du monde outré ; mon reproche semble avoir été pris, si ce n'est à la légère, avec camaraderie.
Je scrute les traits de son visage sans m'en cacher, et acquiesce à sa petite sentence, ou, comment pourrait-on mieux la nommer ? Sa petite parabole philosophique sur la nature humaine et la société ? Oh, pas mal.

– Ce n'est peut-être pas exprimé de la meilleure façon, mais oui. Des bons et des cons, il y en a partout.

La question est : de quel camp fais-je partie ? Ah ! Mystère. J'imagine que cela dépend du point de vue. Mais je ne pense pas êtres des créatures les plus angéliques de ce monde. Oh, ce n'est pas une grande peine.

Entre-temps, il est revenu sur son retard : moi qui pensais qu'il avait eu l'intelligence d'ignorer la remarque – ce qui n'aurait pas manqué de panache –, me voilà de nouveau insatisfait. Mais soit : des excuses seront toujours mieux que des insultes : je prends, même si tout ceci est fortement maladroit. Je l'impressionne…? Il stresse ? Oh, dieux, je veux bien me croire effrayant, mais il y a des limites.

– Passons, je te taquinais juste. Tu viens à l'heure que tu veux, et pour les raisons qui te chantent. Je devrais presque demander d'inventer un énorme bobard à chaque fois que quelqu'un arrive en retard, ce serait plus drôle…

Mon rire s'élève en éclats dans la petite salle vide, où il résonne quelques instants, avant que tout ne retombe dans le silence. Je me projette, mais il n'y a personne : c'est le hic. Mon hilarité est donc de court instant. D'ailleurs, Liang semble avoir remarqué comme moi l'état pour le moins scandaleux de ce placard à balais que l'on a espéré faire passer pour une salle digne d'un cours de théâtre. J'accroche son regard, le soutient quelques instants, et soupire en haussant les épaules.

– Visiblement, il faut être pistonné pour avoir une salle digne de ce nom. Moi qui pensais qu'en s'appelant Feudeymon, c'était joué d'avance, je me suis bien trompé. J'esquisse un sourire amer. Il y a d'autres paramètres qui valent sans doute mieux qu'un beau nom, n'est-ce pas ?

Je n'ai pas pour habitude de cacher mes origines. En fait, c'est même la première chose que je dis. Comme ça, c'est derrière moi, et il ne leur reste plus qu'à se faire une opinion sur ma personne sans avoir ce blason en tête. Mais il me semble qu'il m'a déjà remis ; ce n'est pas comme si chacun de mes professeurs, l'année dernière, avait tiqué en faisant l'appel. Bref ; la délicatesse, comme toujours. Il aurait presque été plus judicieux d'ajouter aussi que je suis un cracmol, pour parfaire le portrait : idéal pour faire bonne impression.

Liang ne pense pas que d'autres personnes vont venir – ou du moins, c'est ainsi que je le comprends. Je jette un coup d'œil à ma montre et hausse un sourcil : il a sans doute raison. Et… Oh, que vois-je ? Ne me dites pas que lui non plus ne peut pas de son portable ? Bonté divine, peut-on enfin parler d'une épidémie massive ?
À deux doigts de faire la remarque, qui meurt dans ma bouche lorsque je comprends le motif de la sortie subite de cet appareil du diable : il veut faire de la pub sur les réseaux, j'imagine ? Même si l'idée ne me plaît guère, j'imagine qu'il serait idiot de refuser un tel coup de pouce – ce n'est pas moi qui risque de m'en charger, de toute façon.

– Les plans ? Excellente question. Je n'ai pas prévu de programme, je dois bien l'avouer. Je comptais en discuter avec les principaux intéressés… Et comme, actuellement, leur nombre se réduit à Liang que voici, j'imagine qu'il n'est pas très utile de s'étendre sur la question. Très simple : il n'y en a pas. Si ce n'est l'organisation classique d'un club de théâtre : des échauffements, de la prise de parole, de la discussion, de l'improvisation, et peut-être monter une pièce. Enfin, ça, c'est dans mes rêves les plus fous, et il semblerait qu'ils ne soient pas prêts de se réaliser, si tu vois ce que je veux dire. Je fais taire l'amertume et emprunte un sourire plutôt sincère. Au moins, je suis content d'apprendre que tu es motivé. Même à deux, je suis sûr que l'on peut faire de grandes choses. Rien n'est impossible après t…

Je sens un frisson parcourir mon échine… Ma phrase reste en suspens, et ne trouvera jamais de fin… Pourquoi fait-il si sombre et si froid, tout d'un coup ?
Dans ma poitrine, mon cœur s'est mis à battre plus fort, plus vite… Je regarde autour de nous ; la fenêtre s'est voilée d'une purée de poids épaisse et impénétrable. Je recule un peu ; de quelques pas, à peine, comme guidé par un instinct enfoui qui m'intime de fuir… C'est noir, comme un concentré de ténèbres menaçantes qui absorbe toute la lumière de la pièce… Celle-ci, d'ailleurs, vacille. Il y a un grésillement, et…

Plus rien.
La nuit totale, funeste.

Nous n'avons pas le temps de réaliser ce qui nous arrive ; si j'avais voulu crier, je n'aurais pas pu : tout en moi s'est figé ; il ne reste plus que mes yeux, grands ouverts sur les ténèbres, tentant de voir, malgré l'impossibilité évidente de percer la noirceur de cette nuit soudaine et surnaturelle. Je tremble comme jamais je n'ai tremblé…

Et là, dans l'obscurité, un scintillement, une ombre plus ombre que tout le reste, mais pourtant si claire, si fantomatique, capte toute mon attention et enfante l'épouvante.
Son regard me fait l'effet d'une douche froide, d'un liquide glacé qui se distille en moi et dévitalise la moindre partie de mon corps. Je ne vois que lui, que ces yeux voilés par la mort, où ne luit désormais qu'un avenir terrifique, qu'une volonté étrangère.
Un souffle me happe, m'absorbe alors qu'il s'avance… Je me sens obligé d'avancer aussi ; je lutte, je résiste. Je ne veux pas… Et…

L'étreinte. Sur mon bras. Elle me retient, brise ce charme qui était en train de m'engloutir. J'effleure l'étoffe d'une manche, puis une peau encore chaude… Puis une main, des doigts, eux, gelés… Je les serre fort dans les miens ; je ne les lâcherai plus.
Et le face-à-face ne dure que quelques instants… De lourdes secondes au cours desquelles j'oublie de respirer, où mon souffle semble ne plus vouloir jamais sortir.
Tout me nie, la vie même ne semble plus vouloir de moi… Et lui, spectre tout droit venu des Enfers, il me regarde sans me voir… Un peu plus et je sentirais son haleine fétide… L'odeur de la mort qui s'impose à mon imagination trop fertile, qui me glace et me sidère.
Je me sens vaciller tandis qu'une douleur aiguë m'arrache une plainte sourde et transperce ma poitrine. Comme un pieu, qui s'enfonce et compresse les chairs en les déchirant… Je m'accroche à la main tendue. Fort. Comme une ancre dans la nuit, une bouée dans les flots déchaînés des ténèbres assassines…

Je suffoque.

Et puis… La douleur s'estompe.
L'ombre glisse, disparaît. Le souffle cesse de me tirer à lui…

Lumière.

Je suis pris d'une affreuse quinte de toux alors que l'air emplit de nouveau mes poumons… Je tousse, je tousse à m'en arracher la gorge, et relâche cette main qui m'a sauvé – de quoi, je n'en sais rien – pour aller m'appuyer contre le mur où sont collées les affiches…
Je bois l'oxygène à grosses goulées ; mon visage doit sans doute reprendre des couleurs… Et dans l'affolement, dans les restes d'épouvante, je cherche le regard de Liang, et articule non sans mal, un sourire tremblant aux lèvres :

– Oh, merde… J-Je ne pensais pas que le spectre du père d'Hamlet nous rendrait visite ce soir…

Sarcasme, sarcasme, quand tu nous tiens…
Plus jamais ça.

Some are born
great

feat. Florian F.

Un léger sourire se dessina sur son visage lorsque le garçon se mit à rire; même si Liang espérait ne plus faire preuve d’un manque de ponctualité aussi flagrant, il n’était pas contre l’idée d’inventer d’extravagantes excuses afin d’expliquer la raison de son retard. Ça semblait même amusant, une façon tout aussi intéressante que productive d’en tirer quelque chose de positif. Et même si l’autre n’était probablement pas sérieux, il allait s’assurer de se pointer avec une histoire complètement ridicule si jamais à l’avenir il n’arrivait pas à arriver à temps à la rencontre.

Et à l’entendre parler du fait que son nom de famille n’était apparemment pas suffisant pour obtenir une salle qui était un peu moins décrépite - et c’était là une description presque généreuse, quand on voyait l’état bien franchement pitoyable de la pièce -, la majorité du stress restant qui l’avait saisi suite à son entrée presque désastreuse fini par s’estomper.

Il semblait… sympa. Quelqu’un avec qui il n’allait pas regretter de devoir passer plusieurs heures chaque semaine afin de partager ce qui, semblait-il, était une de leur passion commune.

Et pour quelqu’un qui, selon ses dires, n’avait pas de plans concrets pour l’avenir du club, les quelques idées que l’autre était en train de partager étaient déjà suffisantes pour le convaincre qu’il avait fait le bon choix en venant ici. C’était définitif; il n’en avait rien à faire de comment est-ce qu’il allait bien pouvoir s’organiser pour trouver le temps de participer au Drama Club, il allait définitivement s’y inscrire.

Puis soudainement, Florian cessa de parler, s’arrêtant net au milieu d’un mot. Liang remarqua à peine, car même s’il avait jusqu’alors été focussé sur ce que l’autre élève était en train de lui dire, enregistrant chaque mot, chaque phrase afin de s’assurer de s’en souvenir, un changement dans l’air attira son attention sans qu’il n’arrive à mettre le doigt sur la raison.

Seulement cette impression que quelque chose n’allait pas.

Un profond malaise empli de confusion s’empara de lui alors que le moment en lui-même semblait s’étirer lentement. Autour d’eux, la chaleur environnante se dissipait soudainement, fuyant son corps pour le laisser frigorifié jusqu’aux os.

Figé.

De la fenêtre jusqu’aux murs, une ombre grandissante qui baignait l’entièreté de la pièce, s’assombrissant de plus en plus qu’à ce que, tout d’un coup, les lumières s’éteignent. Partout autour de lui, il n’y avait maintenant plus que les ténèbres, aussi épaisses qu’absolues.

Et devant eux, la silhouette fantomatique de ce qui aurait été impossible de ne pas reconnaître comme étant celle du Roi Pêcheur.

Imposante. Surplombante. Terrifiante.

Si la noirceur soudaine avait été suffisante pour effrayer Liang - comment aurait-il pu ne pas l’être -, en ce moment, il était tout simplement tétanisé, incapable de détourner le regard. Dans sa poitrine, c’était presque comme si toute habileté qu’il avait de prononcer le moindre son venait de s’envoler en même temps que son souffle.

Comme ces cauchemars où vous ne désiriez rien de plus que de fuir mais étiez figé sur place, et où chaque hurlement restait coincé au fond de votre gorge.

Et alors que le Roi Pêcheur s’approchait lentement d’eux, visible malgré l’absence totale de lumière, il ne parvint à former qu’une seule pensée.

Il ne voulait pas être seul.

C’était là un sentiment qu’il avait passé un peu moins des deux dernières années à essayer de fuir autant qu’il le pouvait, mais en cet instant, la chose avait pris une toute autre dimension. Une solitude écrasante qui lui pesait soudainement sur les épaules et prenait racine au fond de sa poitrine alors que tout autour de lui était si sombre, si froid.

C’était sans aucun doute pourquoi, comme par réflexe d’un geste qu’il avait dû faire une bonne centaine de fois, Liang parvint enfin à briser son immobilité, tendant la main en direction de là où il se souvenait avoir vu l’autre élève avant que toute luminosité ne disparaisse. Il ne lui fallut que quelques secondes, fouillant aveuglément dans l’espace trop vide autour de lui pour qu’il arrive enfin à toucher quelque chose.

La sensation de tissus sous ses doigts, et un bras dont il se saisit tout aussi vite. Puis une main qui s'emparait de la sienne, se refermant sur ses doigts avec une force qui, en d’autre circonstance, l’aurait fait grimacer s’il n’était pas lui-même en train de faire pareil.

Les secondes s’écoulèrent, les unes à la suite des autres alors qu’il s'agrippait à la main, la seule chose qui, en cet instant, arrivait à calmer une partie de la panique qui montait en lui alors qu’il fixait sans bouger le spectre qui s’approchait encore et encore et encore.

Oh seigneur. S’en était fini d’eux, n’est-ce pas?

Puis aussi soudainement qu’il était arrivé, le Roi Pêcheur disparu, non pas sans l’effleurer en chemin; sa poigne se resserra presque impossiblement alors qu’il avait la soudaine impression de se retrouver submergé dans un bain d’eau glacée.

La lumière réapparu, lui brûlant presque la rétine alors qu’un peu plus loin, l’autre étudiant était saisi d’une quinte de toux particulièrement intense, presque comme s’il venait de passer à deux doigts de la noyade. Sa main, maintenant vide, se referma tandis que Liang regardait le garçon s’éloigner pour s’appuyer contre l’un des murs afin de reprendre sa respiration alors que lui-même semblait tout simplement incapable de décoller ses semelles du sol.

Puis voilà que Florian se décidait soudainement à faire une blague, et la tension qu’il avait senti monter en lui tel un ballon de baudruche prêt à exploser se relâchait finalement.

-Ah, répondit-il d’une voix étranglée avant de se mettre à rire nerveusement - parce que la remarque était actuellement drôle -, le tout non pas sans une légère pointe d'hystérie aisément perceptible. Je, euh, je pense qu’il a dû prendre la mouche quand j’ai dit que plus personne allait venir ce soir.

Répondre à l’humour avec une blague douteuse; ça avait toujours été sa principale réponse face aux tensions, et malgré son coeur qui continuait de se débattre dans sa poitrine même si tout allait bien, que le Roi Pêcheur était parti et ils n’étaient de toute évidence pas en danger, il n’avait pas pu s’empêcher de s’y rabattre une nouvelle fois. De toute façon, c’était Florian qui avait commencé, et il n’avait fait que suivre son exemple.

Sauf que voilà; même s’il n’avait plus l’impression d’être en train de suffoquer et que l’obscurité aussi lourde l'impénétrable s’était enfin levée, Liang ne savait plus quoi faire après lui avoir balancé cette réponse un rien minable. Il ne pouvait pas tout simplement passer à autre chose juste comme ça. Il n’avait pas ce genre de bravoure. Pas comme l’autre étudiant qui, malgré le fait que cette visite inattendue était loin de l’avoir laissé indifférent si on se fiait à la façon dont il lui avait tenu la main un peu plus tôt et le sourire forcé qu’il venait de lui envoyer, semblait vouloir prétendre que cette apparition d’outre-tombe ne sortait pas de l’ordinaire

Comme s’il avait plus de maîtrise de lui-même dans son petit doigt que Liang en avait dans l’entièreté de son corps.

Il aurait sans doute été bien plus impressionné par la chose s’il n’était pas à ça de juste prendre la fuite tel un froussard. Enfin, au moins, il n’était pas à deux doigts de se mettre à pleurer - ou du moins, presque pas - alors c’était toujours ça de pris.

-Oh my god. Oh my god, I need to sit down, marmonna-t-il après un moment de silence plombant avant de cacher son visage au creux de ses mains, essayant tant bien que mal de calmer les tremblements presque incessants de son corps alors qu’il s'asseyait sans aucune délicatesse sur les dalles de pierre recouvrant le sol. J’ai cru que j’allais mourir, c’est horrible. On aurait presque dit qu’il allait aspirer notre âme afin de revenir à la vie. Et tu as vu ses yeux? Je veux bien croire qu’il soit mort, mais merde, je pense que même lorsque je serais vieux et tout décrépit et moche, je vais encore me souvenir de son regard vide. Rappelle-moi de ne jamais devenir un spectre et de continuer mon chemin vers l’au-delà quand je vais crever, parce que je refuse catégoriquement de ressembler à ça et hanter les gens jusqu’à ce que quelqu’un décide de bannir ma tronche parce que j’ai l’air d’un mauvais modèle 3D de jeu vidéo à petit budget. Ugh, sérieusement, je l’avais déjà vu dans la Grande Salle et il était déjà tellement… tellement terrifiant, mais ça c’était… continua-t-il avant de finalement s’arrêter, comme s’il était incapable d’actuellement trouver les mots pour exprimer ce qu’il pensait de l’entièreté de la situation.

Liang avait l’habitude de répéter au moins une demi-douzaine de fois par semaine que oui, vraiment, il était passé à ça de crever. C’était là une des peut-être étranges façon qu’il avait de faire face à la mort et son apparente inévitabilité. Se moquer de la chose afin de passer par-dessus, aussi maladroit que cela pouvait bien être. Sauf qu’il ne croyait jamais actuellement ses paroles; il savait, la majorité du temps, qu’il allait s'en sortir sans aucun mal, mais ça?

Ça, c’était différent.

Il fut parcouru d’un frisson - mais pourquoi faisait-il toujours aussi froid -, croisant ses bras contre sa poitrine en une vaine tentative de se réchauffer; il ne savait pas si cette impression de frigidité qui ne semblait pas vouloir le lâcher était dû à un réel changement de température, ou s’il ne s’agissait que des derniers fragments de cette rencontre bien franchement cauchemardesque.

Parce qu’il avait actuellement eu peur, une frayeur presque viscérale qu’il n’avait encore jamais ressenti devant les autres spectres et fantômes qui hantaient ces murs anciens. Effrayé pour lui-même, oui, mais également pour Florian. Il ne le connaissait peut-être pas tant que ça - pas encore -, mais il ne pouvait s’empêcher de sans cesse ressentir cette angoisse oppressante face à l’idée de perdre qui que ce soit.

C’était juste…

C’était quelque chose à quoi il n’avait pas envie de penser. Pas ici, et définitivement pas maintenant. Surtout considérant le fait qu’il n’était pas le seul à avoir été affecté par tout ça.

-Oh, oh non, pardon, j’arrête pas de me plaindre, mais est-ce que ça va? demanda Liang en le dévisageant de la tête aux pieds, une lueur d’inquiétude brillant distinctement au fond de son regard. Presque aussitôt, il enfonça sa main au fond de la poche sans fond de son uniforme, pour une fois soulagé d’avoir oublié de l’enlever, avant d’en ressortir le thermos cyan qu’il traînait presque toujours avec lui. J’ai du thé, si tu veux? Il devrait être encore chaud, alors je sais pas si, erm…

Et voilà qu’il se redressait, s’approchant du mur contre lequel Florian s’était appuyé et lui tendant son thermos d’une main qui, il était fier de le noter, avait pratiquement cessé de trembler. En prime, la chaleur qui s’en dégageait aidait, au moins un peu, à chasser le froid qui lui collait toujours à la peau.

S’il profita de l'occasion pour se tenir peut-être un peu trop près de l’autre élève, il était sûr qu’on n’allait pas trop le juger. Après tout, le Roi Pêcheur pouvait se repointer à tout moment et Liang refusait d’être trop éloigné de la seule autre personne qui se trouvait dans les parages.

Octobre, 2021

code couleur: #009999

artemis

Some are born great,

epsilon

some achieve greatness,

and some have greatness thrust upon them.

Transi.
Transi de froid et d'effroi, me voilà au pied du mur. La chaleur de la plaisanterie ne dure qu'un instant, et je me sens glisser pour me recroqueviller par terre, prendre ma tête entre mes mains, et calmer ces battements de cœur trop rapides qui vrillent ma poitrine, qui résonnent entre mes côtes, douloureuses.

Pourquoi me suis-je senti partir…?
Comme si le froid morbide qui s'était insinué en moi avait pris possession de ce corps qui, un temps, n'était plus le mien, mais celui d'un autre. Celui…

Un lourd frisson coule le long de mon échine ; je soupire longuement, plonge ce regard habituellement vif dans le vide des mes pensées trop troubles.
C'était comme si… Comme si quelque chose avait violé mon intimité, était entré en moi pour en ressortir avec mes plus sombres secrets… Mais je n'ai rien à cacher. Rien du tout, n'est-ce pas…? Et ce n'était qu'un fantôme.
Qu'un fantôme…

Je comprends désormais la réaction d'Elias. Je comprends son air sombre ces derniers jours. Je comprends.
Est-ce vraiment un spectre comme tous ceux qui vivent dans ce château…? Il ne semble pas interagir comme les autres. Comme s'il n'était qu'une ombre, à la fois présente physiquement, mais absente, loin de ce monde… Évoluant toujours dans les ténèbres, projection terrifique d'une volonté sourde de ce château…

Mais je ne parviens pas à me remémorer tous mes cours sur les fantômes ; trop choqué, encore. Besoin de déconnecter ce cerveau trop plein de pensées effusives, qui éclatent de tous les côtés et manquent de me faire imploser…
Mes mains, encore tremblantes, viennent se souder et se réchauffer l'une l'autre. Je frictionne ma peau jusqu'à la rougir, jusqu'à me faire mal, et je me force à apaiser ma respiration folle.
C'est fini. C'est derrière moi ; derrière nous. Pourquoi devrais-je me sentir plus inquiet que ceux qui l'ont croisé avant moi ?
Mon nom luit dans les ténèbres. Est-ce que…? Non, j'ai beau être un Feudeymon, je n'en suis pas moins un cracmol. Que pourrait-il me faire de plus ? Moi, je n'ai pas de magie. Je ne suis personne dans cette famille. Personne.
Et cela me va très bien, pour une fois. Pour une fois, je peux m'en réjouir, me convaincre qu'il ne m'arrivera rien.

Je cherche le regard de Liang dans la lumière vacillante.
Ses doigts glacés prisonniers des miens… À le voir comme ça, encore tout tremblant sur cette vieille chaise, c'est de la reconnaissance qui réchauffe ma poitrine… S'il ne m'avait pas attrapé le bras… S'il n'y avait pas eu ce contact physique, comment cela se serait-il passé ? Est-ce que je me serais évanoui ? Est-ce que cela aurait été plus grave…? Tout autant de questions qui ne trouveront sans doute jamais de réponse.

Donnant une petite impulsion de la main contre le mur, j'essaie de me lever pour le rejoindre, m'assurer qu'il va bien, mais à peine suis-je sur mes pieds que le sol me rappelle à lui. Vertige. Je m'écrase de nouveau, et laisse échapper une petite exclamation de surprise : vraiment…?
Un petit rire tremblant s'échappe de mes lèvres encore un peu blanches. Bien. Je vais attendre encore un peu ; attendre que le malaise passe, que les sensations habituelles reviennent.

Les élucubrations de mon compagnon de galère m'arrachent finalement un sourire ; il me semble retrouver ce garçon que je croise régulièrement dans mes cours, qui étale toujours ses pensées, donne de la voix pour dire des choses futiles mais qui, dans sa bouche, deviennent presque essentielles :

– Je plaisante, mais… Il s'est clairement… Passé quelque chose. C'est tout ce que je trouve à dire. Je m'écoute parler ; ma voix a perdu de sa superbe, pour ne garder que ses sonorités graves et sérieuses… Oui, cette rencontre n'était pas anodine. Mais nous sommes entiers ; c'est l'essentiel.

L'essentiel, hein ? Oh, ma voix déforme ce mot et le prive de sa sincérité. L'essentiel… Nous verrons, n'est-ce pas ? J'espère qu'il n'y aura pas de suite.
Le théâtre, en tout cas, est bien loin. À croire que le sort ne veut pas que ce club voit le jour…! À deux doigts d'abandonner ce projet et de m'en prendre à l'univers entier, qui, décidément, aime s'acharner contre moi. Mais cela ne me ressemble pas ; plus y a d'obstacles, plus je m'obstinerai à accomplir ce qui me fait vibrer et ce que l'on semble m'interdire.
Mais en attendant… Il s'agirait sans doute de se tirer de cette frayeur. Mais je sens que toute force m'a quitté ; c'est comme si la fièvre venait de me terrasser et faisait trembler l'intégralité de cette enveloppe corporelle en souffrance qui ne parvenait pas à se réchauffer… Je croise les bras sur ma poitrine, frictionne mes épaules, froisse cet uniforme qui ne tient pas assez chaud… Dans ces moments, je désirerai être un sorcier. Allumer un feu dans l'âtre de cette salle ; m'accroupir devant les flammes, réchauffer mes mains et mon cœur… Mais je ne suis rien. Je suis complètement inutile ; mes désirs resteront donc à l'état de fantasme inavoués.

La voix de Liang me tire de mon amertume ; je lève un regard flou sur lui. Ses yeux brillent d'un sentiment qui s'apparente à de la pitié ; je prendrais presque la mouche si je ne me corrigeais pas dans l'immédiat ; non, c'est de l'inquiétude. Il ne me semble pas l'avoir déjà vue dans les yeux de quelqu'un, cette inquiétude désintéressée. L'inquiétude de ma mère, oui, il y a quelques années. Mais n'était-ce pas les débuts d'une honte personnelle ? Une inquiétude égoïste, qui avait, quelque part, eut ses raisons d'être, puisque sa réputation avait été immédiatement amoindrie par mon existence indésirable. L'inquiétude d'un père, ensuite, lorsque j'ai semé les graines d'un premier coming-out : décidément, ce gosse nous fera subir toutes les humiliations… C'est cela, n'est-ce pas ? Cette voix intérieure qui avait pris possession de ses traits et terni son visage.
L'inquiétude de mon frère, enfin ; la peur d'être moqué pour avoir un jumeau cracmol, d'être déshonoré d'avoir grandi aux côtés de cette créature ratée…

Puis il y a la mienne, d'inquiétude. Quand je me regarde dans le miroir, quand je me confronte aux obstacles qui se dressent sur mon chemin. Mais elle est d'une nature différente : le terreur de ne pas pouvoir demeurer dans ce monde. Combien de cracmols ont quitté l'univers magique avant moi ? Gargoule est mon seul espoir, un espoir auquel je me raccroche désespérément. Faire des études, être excellents, leur prouver que moi, j'ai ma place, avec ou sans magie. Être estimé pour mes capacités, pas pour mon nom. Je ne veux plus de ces regards mi-moqueurs mi-pitoyables… Je ne veux plus.
Et si je pouvais tous les subjuguer, tous les faire se sentir incroyablement cons… Oh, comme ce serait…

Liang s'inquiète pour moi, sans arrière-pensée.

Cette conclusion se répète en écho dans mon esprit, alors que je saisis le thermos qu'il me tend, encore un peu tremblant. Mon regard croise le sien, et j'esquisse un léger sourire :

– Merci.

Je dévisse le bouchon avec maladresse, serre la bouteille entre mes doigts pour les réchauffer un tant soit peu, et porte le goulot à mes lèvres pour prélever quelques gorgées de la boisson encore brûlante, qui irrite ma langue et mord impitoyablement ma gorge… Mais cela me fait un bien fou ; comme si le feu qui m'avait quitté reprenait doucement son territoire et chassait les dernières bribes de tétanie.

Je soupire longuement, enlève mes lunettes embuées que je replis et laisse tomber à mes pieds pour chasser l'humidité de mes yeux… Je passe enfin une main un peu plus assurée dans mes cheveux qui retombent mollement sur mon front.
Le monde est flou, lorsque je n'ai plus mes verres…
Je rebouche le thermos et le lui rend en me redressant un peu. Doucement je me lève, je reprends mes esprits. Les vertiges ont laissé place à une drôle de sensation ; comme si mes jambes étaient de coton :

– Toi, ça va ? Son visage a beau se brouiller avec ma myopie sévère, j'essaie de discerner les signes d'un malaise, d'une maladie fulgurante. Est-ce que je m'inquiète aussi ? Sans aucun doute. N'est-ce pas naturel, après tout ? Un juste retour des choses. Je suis gelé. Il y a une cheminée, non…? Tu veux bien allumer un feu ? Ce n'est pas que j'ai la flemme, mais on va dire que si les spectres semblent m'apprécier, ce n'est pas vraiment le cas de la magie.

Le sourire qui tient toujours sur mes lèvres se voile d'une ironie un peu sombre.
Je ramasse mes lunettes et les nettoie avec le pan de ma robe avant de les remettre sur mon nez.

Sans attendre, pour m'occuper les mains, je commence à arracher les posters de bavboules.

– Je suis navré. Je n'avais pas prévu… Cette petite animation. Je dirais que ça a fini d'enterrer mon ouverture un peu miteuse… Mais soit. On réessaiera une autre fois. Entre nous, je parle surtout pour moi. J'essaie de me convaincre que ça marchera, malgré ce faux départ – départ catastrophique, même –. Je ne te retiens pas si tu as des choses plus utiles à faire, tu sais…? Je ne suis sans doute pas la compagnie la plus agréable, et je crois que… Que je me sens trop fatigué pour commencer quoi que ce soit ce soir. Si je parviens à virer toutes ces horreurs, ce sera déjà une bonne chose de faite.

Il ne doit pas être impossible de relooker cette horrible salle, même si cela va évidemment me prendre un temps monstre. Moi je n'ai pas de baguette pour aller plus vite. Mais c'est le jeu ; j'accepte.
Tout pour reprendre du poil de la bête et chasser le souvenir terrifique du fantôme, resté terré au fond de moi, peur silencieuse qui rejaillira sans doute cette nuit quand il sera temps de dormir…

Some are born
great

feat. Florian F.

Au milieu de sa poitrine, une douce chaleur s’installait tandis que sur son visage naissait un sourire qu’il renvoya à Florian alors que ce dernier acceptait son thermos avec un ‘merci’ de gratitude. Quelque chose de si simple, si anodin, mais qui était pourtant suffisant pour le faire se sentir presque utile; un sentiment qui, il fallait l’avouer, n’avait pas manqué de le fuir au cours de la soirée. Incapable d’arriver à temps, et ce malgré le fait qu’il connaissait pertinemment l’heure à laquelle la rencontre était supposée débuter. Incapable de faire quoi que ce soit autre que de rester planter là comme une statue devant le Roi Pêcheur qui, apparemment, n’avait rien de mieux à faire que d’errer dans tout Gargoule pour en terroriser ses occupants. Et incapable de se retenir de se plaindre en long et en large après tout ça juste parce qu’il avait eu peur et était manifestement incapable de passer outre.

Mais lentement, sûrement, alors que les secondes s’écoulaient lentement et que les derniers effets de la visite spectrale s’atténuaient, même si juste un peu, Liang commençait à se sentir mieux. Comme si le froid polaire qui s’était enraciné au creux de ses os commençait doucement à se dissiper, telle la givre matinale fondant sous le soleil.

La frayeur ne s’était toujours pas dissipée, non. Pas encore, et il ne savait pas si ça allait changer avant au moins plusieurs jours sans un autre incident, mais Liang arrivait enfin à croire que ça allait éventuellement arriver, et c’était là le plus important.

Pour l’instant, il pouvait seulement espérer que ça allait aussi être le cas pour son compagnon d’infortune. Un sentiment qui était attisé par cette réalisation que l’autre avait été la seule chose qui l’avait aidé à percer la solitude écrasante qu’il avait ressenti lorsque le Roi Pêcheur était apparu au sein de cette obscurité impénétrable.

Et une chose était certaine; Liang n’était pas prêt de l’oublier.

Si Florian ne semblait pas entièrement rétablie, au moins le thé semblait avoir aidé, ne serait-ce qu’un peu. Quoi que, pour être honnête, Liang ne voulait pas voir ce à quoi sa tête à lui avait l’air, en ce moment. Son visage n’avait jamais eu beaucoup de couleurs, et cette expérience n’avait sans doute pas aidé son cas; c’était peut-être pourquoi l’autre venait de lui demander comment il allait après lui avoir rendu son thermos et s’être relevé sur des jambes qui, il était prêt à parier, n’étaient pas aussi stables qu’elles l’avaient été une dizaine de minutes plus tôt.

-Je pense qu’une bonne douzaine d'années viennent d’être siphonnés de mon espérance de vie, mais je, euh, devrais survivre, lui répondit un peu platement Liang en balayant la question d’un vague geste de la main comme s’il ne venait pas de passer plusieurs minutes assis par terre à déblatérer sur cet événement particulière horrible. Enfin, tant que le Roi Pêcheur ne se décide pas à repasser parce que si ça arrive, tu vas sans doute devoir me ramasser à la petite cuillère. Et ah! ajouta-t-il en se frappant le front avec un grognement embarrassé. Du feu, oui, une idée de génie. Pardon, je sais pas pourquoi j’y ai pas pensé plus tôt, faut croire que j’ai laissé mon cerveau dans mon dortoir avant de partir.

Sans perdre une minute de plus, il fouilla dans ses poches avant de finalement mettre la main sur sa baguette, une partie de son esprit s’arrêtant presque curieusement sur ce que Florian venait juste de dire

Il lui fallut plusieurs secondes avant de comprendre ce que l’autre entendait par là. ‘Si les spectres semblent m'apprécier, ce n'est pas vraiment le cas de la magie’. Parce que autant avait-il une facilité certaine à se souvenir d’une panoplie de détails bien franchement pas toujours utiles à propos des gens qu’il rencontrait, c’était toujours plus facile lorsqu’il leur parlait actuellement au lieu d’entendre des choses ici et là à leur sujet.

Et ses mots avaient été suffisants pour lui rappeler que oh, en effet. Florian ne pouvait pas faire de magie. Vraiment, malgré les nombreuses fautes qu’on pouvait attribuer à Gargoule, Liang ne pouvait qu’apprécier tous les efforts effectués par la direction afin de rendre l’institution plus inclusive que toutes les autres écoles de magie dont il avait entendu parler car sinon, ils n’auraient jamais pu se rencontrer et n’était-ce pas là une triste pensée?

Un Incendio plus tard et soudainement, la chaleur des flammes s'affairaient à chasser le reste de la froideur environnante. Puis, après quelques gorgées de thé suivi d’un Charme de remplissage, il déposa son thermos bien en vue sur la chaise afin de s’assurer que Florian puisse se resservir s’il le voulait.

-Quelque chose de plus utile à faire que de passer du temps avec le président du club de théâtre? fit Liang en se retournant vers lui, haussant un sourcil en réponse à la suggestion de l’autre étudiant. Euh, non, définitivement pas. Et bon, mes amis savent tous que je suis supposé être occupé pour le reste de la soirée comme j’ai dû le mentionner une ou deux ou, bon, d’accord, peut-être une bonne douzaine de fois, alors ça risque de prendre du temps avant qu’on envoie la cavalerie à mes trousses. Et puis, quitte à devoir passer plusieurs heures ici chaque semaine, autant bien m’assurer de ne pas avoir l’impression de me faire juger par ce qui semble être une armée entière de joueurs de bavboules dont l’apogée date d’il y a plusieurs décennies, ajouta-t-il en haussant les épaules avant de regarder d’un oeil critique les beaucoup trop nombreux posters en mauvais état qui étaient toujours collés aux murs.

Parce que si, en d’autres circonstances, il aurait peut être accepté son offre et serait retourné à son dortoir afin de passer du temps avec ses amis, en cet instant, l’idée ne possédait pas le même attrait qu’il lui aurait normalement trouvé.

Et ce n’était pas entièrement parce que de penser à la longue marche solitaire qu’il allait devoir se taper était presque suffisante pour lui donner envie de pleurer. Quatre escaliers entiers? Tout seul?

Il allait passer, merci bien.

Non, il voulait juste...rester ici. Voulait continuer de parler, continuer d’en apprendre plus à propos de quelqu’un avec qui il n’avait jamais pris le temps d’interagir malgré les quelques classes qu’ils avaient en commun. Quelqu’un qui, il avait maintenant découvert, semblait être actuellement sympathique et aimait certaines des choses que lui-même aimait et était peut-être un tout petit peu charmant et- Bref.

Bref

Baguette toujours en main, Liang pointa cette dernière vers un poster à l’autre bout de la pièce en murmurant un Accio. Si une petite part de lui se sentait un moindrement coupable d’arracher ainsi toutes les affiches, principalement à cause des regards presque accusateurs que semblaient lui envoyer les portraits de champions bavbouliens, et bien tant pis. De toute façon, le théâtre était de loin supérieur à un passe-temps où les gens finissaient immanquablement par sentir comme s’ils avaient passé la nuit à dormir au fond d’une benne à ordures avant de se laver les cheveux avec du jus de poubelles.

Ugh.

-Et vraiment, t’as pas à t'excuser pour ce qui est arrivé. Enfin, sauf si tu mens et que tu es en fait celui qui contrôle secrètement le Roi Pêcheur derrière les coulisses, parce que président du club de théâtre ou non, je vais devoir te reporter au bureau des réclamations, lui dit Liang en laissant échapper un rire un rien étranglé afin de chasser les restants du malaise qui planait toujours suite à cette apparition qui, il le savait, allait probablement nourrir de nombreux cauchemars aux cours des jours - voir des semaines - à venir. Parce que vraiment, après tout ça, je pense qu’on va avoir besoin d’un aspirateur pour ramasser les restants de ma dignité qui s’est écrasée sur le sol. Mais enfin, j’ai l’habitude, tu me diras. Je te jure, la dernière fois que j’ai regardé un film d’horreur, j’ai passé les semaines suivantes à presque jaillir de ma peau chaque fois qu’une ombre bougeait dans mon champ de vision. Et le hurlement que j’ai lâché quand ma chatte a sauté sur mon lit au milieu de la nuit? Honnêtement, ça ne m’aurait pas étonné que vous l’ayez entendu jusque dans le dortoir des Griffdecoqs. Mais bref, assez parlé de moi, continua-t-il en levant les yeux vers lui, une affiche qui avait définitivement vu de meilleurs jours à la main, alors qu’il le dévisageait avec une curiosité à peine contenue et un désir de peut-être, enfin, passer à autre chose. Tu fais quoi quand t’es pas occupé à rameuter tous les fantômes du château?

Durant sa tirade, Liang avait pris quelques petites pauses ici et là afin de décoller d’autres affiches à coup de baguette magique, suivant Florian telle une petite ombre bavarde. Et s’il tenta de conserver un semblant d’organisation - à savoir, en plaçant les affiches dans une pile au coin de la pièce -, bien vite, la notion même de la chose s’envola de son esprit alors qu’il commença à simplement les laisser tomber par terre partout où ils passaient.

Si quelqu’un se serait risqué à le lui faire remarquer, il leur aurait probablement répondu qu’il attendait d’avoir terminé pour tout ramasser, mais la simple vérité était que Liang avait juste… oublié.

Octobre, 2021

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artemis

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and some have greatness thrust upon them.

Toujours ce sentiment d'imposture, n'est-ce pas ? Tu peux partir si tu préfères. Je me demande encore pourquoi je me sens obligé de dire des conneries pareilles. Moi, je ne préfère pas. Et lui, que doit-il penser ? Que je ne veux plus de sa compagnie ? S'il savait.

S'il savait comme j'aime avoir droit à cette présence, comme les autres. Comme j'aime être entouré, mais comme je continue de croire que je n'y ai pas droit. C'est idiot, non ? C'est tellement bête.
Et pourtant, je ne me ravise pas ; non. Quel est l'abruti qui revient sur ses mots juste après les avoir dits ? Je n'ai pas l'habitude de passer pour un indécis. Alors j'espère juste qu'il n'ira pas dans mon sens – ou dans le sens absurde de mes pensées rebelles et vagabondes – et qu'il ne me faussera pas compagnie en si bon chemin.
D'autant que…

D'autant que je ne veux pas me retrouver seul, maintenant, après tout ça. La rencontre du Roi Pêcheur a laissé sur son sillage cette peur, certes ténue et discrète, mais qui pourrait bien redoubler s'il n'y a plus personne avec moi pour me changer les idées… Plus ce bras, cette main froide pour me tirer des griffes de l'ombre néfaste, en quelques sortes. Oui, vous voyez l'idée.
Je suis un poltron.

Alors, je continue de décrocher toutes les affiches en silence, animé par un désir presque maniaque de mettre tout au clair, de ne plus laisser aucune trace d'un passé potentiel pour aller à grands pas vers l'avenir.

Par tous les dieux, comme elles sont laides, ces affiches ! Et d'ailleurs, toutes ces figures ringardes de joueurs de bavboules années 80 me dévisagent d'un œil mauvais. Quoi ? Ne me dites pas qu'elles lisent dans mes pensées ? Oh, mon regard médusé leur suffirait-il ?
Un sourire quelque peu sadique vient délicatement étirer mes lèvres lorsque je décroche un grand poster d'un joueur en culotte courte, qui me fait des signes dissuasifs et pousse des cris inaudibles. Je finis par la froisser et la laisser tomber au pied du mur… Bon, voilà qui est fait. Je me demande encore ce que je mettrai à la place. Peut-être devrais-je aller fouiller dans quelques recoins peu recommandés du château…? Le bric-à-brac m'a déjà fourni des objets particulièrement intéressants l'année dernière… Je suis sûr que je pourrai y dénicher quelques merveilles apte à nous faire croire que nous sommes bel et bien dans un club de théâtre digne de ce nom.

Liang est allé allumer le feu entre temps, non sans s'être longuement étendu sur son effroi et son espérance de vie qui vient, à l'en croire, de chuter drastiquement. D'aucuns penserait qu'il a tout d'une parfaite drama queen, et que ce type d'individu est particulièrement fatigant à la longue. Ce n'est pas mon avis ; Liang m'amuse – je dois être sensible à ce genre de caractère, que je trouve drôle et inspirant. On croirait presque avoir affaire à un personnage de tragédie classique ou de drame romantique, toujours à s'étaler sur des tirades entières de lamentations. Merveilleux ; tellement romanesque.

La lumière des flammes, nourries par une magie assez puissante pour maintenir un heureux brasier, tremble sur les murs et donne des allures de meurtre infernal à cet arrachage d'affiches compulsif.
Le sorcier me rejoint et me rassure sur ses intentions : il compte bien rester ; je sens ma mâchoire se détendre… Me voilà ravi, sans que je ne puisse l'admettre. Je garde mon sourire, pourtant, qui s'adoucit un peu, et m'affaire au décrochage manuel d'une autre décoration, hideuse celle-ci, qui a été solidement clouée au mur.
Je ris d'ailleurs à la critique plutôt acerbe de mon compagnon de corvée : vraiment, d'une laideur rare. C'est le moins qu'on puisse dire :

– Oui, c'est… Décidément d'un goût très particulier. Un peu douteux, même. Très douteux. Mais on n'abuse jamais assez des euphémismes et autres figures d'atténuations. C'est gentil de me donner un coup de main. Je pensais vraiment que j'allais devoir arracher chaque punaise comme le galérien que je suis dans ce monde sans doute un peu trop magique pour moi, et… Oh, regarde comme ils ont l'air mauvais, en plus. Mon rire, communicateur et assez bruyant, s'élève dans une explosion d'hilarité alors que je croise le regard de cette vilaine femme qui me jette des coups d'œil horrifiés et me lance des billes à la figure qui explosent à la surface du poster. Pardonnez, Madame. Je vous aurais peut-être gardée si vous aviez été une reine de beauté… Mais nous en sommes bien loin.

L'affiche finit par terre, avec le cadavre de la précédente.
Je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher d'admirer la facilité de Liang à nettoyer le mur d'un simple Accio, prononcé à voix basse. Ce n'est pas une magie très puissante, ni particulièrement impressionnante, mais quoi ? J'en rêve quand même, même si je ne le dirais jamais, car c'est trop dur ; trop douloureux.
L'été, quand je rentre à Paris, Darius s'amuse à utiliser Lumos à tout bout de champ, de quoi me faire pâlir de jalousie. Il a même insisté, une fois, pour que je prenne sa baguette et que j'essaie, moi, le raté de la famille. Je me souviens encore de son rire lorsque son vulgaire bout de bois a émis, pour toute protestation, une légère explosion qui laissait penser que je n'avais pas intérêt à recommencer.
Mes tripes se serrent, je regarde ailleurs en mordant doucement l'intérieur de ma joue gauche.
Peu importe : moi, au moins, je sais me servir de mes mains. Puis si les moldus y arrivent… Alors il n'y a pas de raison. Il faut juste accepter de mettre un peu plus de temps.

Le temps, le temps… Il file à une vitesse…!

– Et vraiment, t’as pas à t'excuser pour ce qui est arrivé. Enfin, sauf si tu mens et que tu es en fait celui qui contrôle secrètement le Roi Pêcheur derrière les coulisses, parce que président du club de théâtre ou non, je vais devoir te reporter au bureau des réclamations.

Il rit ; je l'accompagne, un peu amèrement, sans doute. Il manquerait plus qu'on me reproche une aberration pareille… Après tout, ce Roi Pêcheur est sensé être mon ancêtre. Ce n'est peut-être pas complètement absurde.
Au moins, le sujet suffit à nous occuper et nous donne du grain à moudre. Je hausse un peu les épaules, et alors que je détache le dernier poster du premier mur et que je recule pour admirer le travail accompli, j'ajoute sur un ton acerbe :

– Ne t'inquiète pas ! Si un fantôme aussi illustre devait choisir un maître, il ne jetterait sans doute pas son dévolu sur un simple cracmol. Par contre, qui sait ? Il veut peut-être me rayer de l'arbre familial ? Oh, ce ne serait sans doute pas pour déplaire à ma mère.

J'exagère peut-être un peu ?
Allez, à peine. Je ne crois pas que ma mère souhaite ma mort, mais peut-être aurait-elle préféré que je n'ai jamais existé. J'hésite.

Bien. Au moins, même à la main, on arrive à faire de grandes choses. Cette salle a tout de suite l'air beaucoup plus grande, spacieuse et propre maintenant que ces terribles affiches ne sont plus collées aux murs. Un peu plus, et je me lancerai le défi de tout repeindre, mais je ne sais pas si j'ai le temps, ni si j'ai vraiment le droit.
Enfin, ça se demande, sans doute.

Peut-être pourrais-je me soucier de ce que Liang attend d'une décoration de salle de théâtre ? Mais le voilà lancé dans une anecdote pour le moins particulière, que j'écoute d'une oreille distraite. Il parle tout de même beaucoup.
Oh, trop, peut-être ? Ce n'est pas pour me déplaire, mais il est vrai qu'il est parfois difficile de le suivre tant il digresse. Je me contente donc de commenter à demi-mot, ponctuant sa nouvelle tirage d'un : On en a assez du vacarme que font certains Griffdecoq, tu sais. Un peu amer, sans doute, car je sais très bien de qui je parle et j'aurais sans doute préféré m'en abstenir – je déteste les amis de mon frère. S'il pouvaient tous se ramasser dans les escaliers de notre maison, j'en serais ravi. Juste pour rire un peu, juste pour me venger de toutes ces fois où ce sont eux qui se paient ma tête. Et dire que je dois les supporter dans mon dortoir. Pas étonnant que je ne me couche jamais aux premières heures de la nuit. La chambre, seulement pour dormir. Le reste, dans la salle commune : rien de mieux pour que la connerie des uns se fonde dans le comportement tout à fait acceptable des autres.

Je croise son regard ; il me sourit.

C'est peut-être là la différence avec les idiots qui partagent mon lieu de vie : lui, quand il a fini de s'étendre sur sa petite personne, il laisse l'occasion à l'autre de faire de même, ce qui est plutôt agréable, d'ailleurs.
Pour autant, je ne sais pas quoi lui dire, et laisse planer un silence un peu gêné avant de reprendre sa question sans doute un peu maladroitement – ou trop directement, peut-être ?

– C'est le fameux moment où je dois te dire ce que je mange au petit-déjeuner, le nom et le nombre de mes chats et si je suis plutôt ascendant lion ou premier décan cancer, c'est ça ?

J'ai peur d'être brusque. Je n'ai pas l'habitude de parler de moi. Du moins, pas aux autres. Premièrement, cela ne m'intéresse pas, et n'intéresse personne si l'on en croit mon humble avis. Ensuite, quand j'ai besoin de faire le point, je préfère m'épancher dans mes carnets plutôt que sur l'épaule de quelqu'un.
Personne n'est assez fiable pour se confier sur les démons de son existence, ou tout autre détail trop personnel.

Mais lui, ce qu'il veut – j'imagine –, c'est faire connaissance. Alors soit. Que pourrais-je donc lui dire ?
Ce n'est pas tous les quatre matins que j'ai à dresser mon portrait ; habituellement, je me présente aux autres directement, sans perdre mon temps dans ces considérations inutiles et détails surnuméraires.

– Euh… Je ne suis pas vraiment doué pour me présenter, tu sais ? Je n'en vois pas vraiment l'intérêt. Mais si tu veux tout savoir – ou du moins, en savoir suffisamment – je lis et j'écris, mais je ne partage pas mes textes.
Est-ce que je fuis son regard, en lui racontant tout ça ? Non, pas vraiment. Du moins… Peut-être que si, mais je préfère largement ramasser tous les déchets et les rassembler en tas. Joindre l'utile au désagréable, en quelques sortes. Et je poursuis, d'une voix un peu distante, très distraite.
Puis…? Je râle, beaucoup. Et je fouille aussi, à droite à gauche, pour trouver des objets, des petits trucs utiles et intéressants. De façon générale, je suis plutôt du genre curieux, même si mon intérêt et mes ambitions se heurtent souvent à mon indisposition magique, si je puis dire ainsi… Bref ! Mes activités sont limitées, tu vois ?

Je bâille finalement à m'en décrocher la mâchoire et lui fait signe de me suivre au coin du feu. Je lui laisse la chaise, où il a posé son thermos – je crois qu'il l'a laissé pour que je puisse en boire ? Je ne vais pourtant pas abuser des bonnes choses. Je m'assois, encore tout frissonnant, à même le sol, et tend les mains vers le brasier pour les réchauffer.
Dehors, la nuit est devenue noire, et nous pouvons d'ailleurs entendre quelques gouttes de pluie s'écraser sur les carreaux. L'automne est bel et bien là. Il va falloir s'y faire.
Finalement, dans un dernier effort de socialisation – profitons, puisqu'il le demande –, j'ajoute d'une voix plus expressive :

– Mais ces derniers temps j'étais très occupé par ce club de théâtre. Je ne suis pas du genre à faire les choses à moitié, et je voulais que ce soit une réussite. Mais je crois que mon charisme légendaire m'a une fois de plus fait faux-bond ! Ça ne devrait plus m'étonner, mais je ne peux pas m'empêcher d'en être un peu déçu. Enfin, je crois que je ne suis décidément pas fait pour ce genre de trucs communautaires… Je devrais me rendre à l'évidence !

C'est dit sans le moindre pathos ; je finis même par en rire. Je suis le premier à me lancer des tomates quand c'est mérité – et puis faut dire que ça évite de laisser l'occasion à d'autres de le faire à ma place.
Ce projet de club de théâtre, c'était pour me prouver à moi-même que je pouvais, comme les autres, me construire un groupe d'amis solides… Mais à bien y réfléchir, au-delà des heures de club, je ne suis pas sûr d'entretenir ces liens tant fantasmés : il y a toujours les rêveries, qui manquent de corps et de vérité, puis la réalité, plus dure, plus exigente, rattrapée par la paresse et le dégoût de se réinventer.
Si j'essaie de m'ouvrir à mon fort-intérieur, de ne plus nier ce qui me constitue et ce qui fait de moi Florian, alors il serait peut-être temps d'accepter que les gens, au fond, ce n'est pas vraiment mon truc.

– Enfin ! Bref. Arrêtons le massacre ici. Je crois que tu sais décidément bien assez de choses sur mon auguste personne… Tu aimes le théâtre donc ? Depuis longtemps ? Ou tu as seulement eu envie d'essayer ? Je ne comprends pas toujours la motivation de personnes qui, comme toi, ont plein d'amis et décident quand même de se lancer dans l'inconnu social… Faut être à l'aise, quoi. Et ne pas avoir froid aux yeux. Disons que la décision de lancer un club est pour moi à la fois un challenge et un acte désespéré. Comme un sacrifice à la société qui décidément ne m'aime pas – et que je n'aime pas non plus, d'ailleurs –, en quelques sortes ~

Some are born
great

feat. Florian F.

Peu à peu, alors qu’il suivait Florian d’un bout à l’autre de la pièce comme s’il avait peur que quelque chose de terrible se produise s’il s’éloignait ne serait-ce que d’une trentaine de centimètres de lui, le sol continuait de se remplir de vieilles affiches froissées. Sérieusement, pour une salle aussi petite et tellement peu imposante, Liang avait du mal à croire qu’il avait suffisamment d’espace sur les murs pour y installer autant de portraits aussi moches

Il était d’autant plus surpris que les Bavboules étaient apparemment suffisamment populaires pour qu’il existe un nombre bien franchement astronomique de champions.

Car vraiment, sans réellement lésiner, ils mettaient tout de même beaucoup de temps à toutes les décrocher; mais c’était que tous ces champions n’avaient vraiment aucun respect d’eux-mêmes - ou alors, étaient tout simplement incapables de sentir la terrible odeur nauséabonde que leur petites billes dégageaient, parce que franchement, c’était trop.

Un avis qu’il ne manqua pas de partager alors qu’il décrochait une énième affiche, seul sa détermination de ne pas passer pour quelqu’un de particulièrement inutile en plus d’être un retardataire aguerri - ce qu’il n’était pas, juré - l’empêchant de tout simplement abandonner.

Il fallait dire que le ménage n’avait jamais un de ses points forts; il n’y avait qu’à demander à ses camarades de dortoirs pour le savoir.

Et éventuellement, sur les murs, plus aucunes de ces affiches désuètes; si ce n’était peut-être pas une vue particulièrement impressionnante, au moins ce vide apportait avec lui cette impression de possibilité. Maintenant, ils allaient pouvoir faire quelque chose d’autre, quelque chose de nouveau avec cet endroit qui leur avait été assigné.

Ils allaient pouvoir transformer la pièce en un endroit digne de ce nom.

Puis, s’approchant un peu plus de l’autre étudiant, Liang ne put s’empêcher de sourire lorsque Florian répondit actuellement à sa question. Une vraie réponse, malgré le fait qu’il ne semblait pas particulièrement affectionner cette pratique. Cet effort de continuer la conversation malgré tout lui fit chaud au cœur, en plus de l’aider à satisfaire cette curiosité qui ne voulait pas le lâcher, cette envie d’en savoir plus sur lui.

Une envie sur laquelle il préférait pour l’instant ne pas trop se pencher, parce qu’il savait que s’il le faisait, le tout risquait de bien vite devenir particulièrement embarrassant.

Et il ne fut pas déçu; même s’il s’en doutait déjà - comment faire autrement après avoir entendu les nombreuses choses que Florian avait à dire durant leur cours de littérature -, Liang put sentir une excitation certaine monter en lui lorsque ce dernier mentionna qu’il aimait lire. Excitation qui ne manqua pas de se mêler à une pointe d’admiration quand il ajouta qu’en prime, il aimait écrire aussi. Pas qu’il s’agissait de l’un de ses propres passe-temps, mais après tous les livres qu’il avait bien pu lire au cours de sa vie, il lui aurait été impossible de ne pas accorder une valeur certaine à l’écriture; cette habilité à inventer de toute pièce un univers avec rien d’autres que des mots, ou à étendre ses pensées et son ressentis sur le papier d’une façon qui avait actuellement du sens.

Puis Florian lui fit signe de venir le rejoindre devant l’âtre alors qu’il s'asseyait devant le feu qui y brûlait, sans doute en une tentative de chasser les derniers frissons qui continuait de le parcourir.

Sans perdre une seconde de plus, Liang s’étendit par terre de tout son long à côté de l’autre élève, déposant son menton sur ses avant-bras tout en observant les mouvements presque hypnotiques des flammes dans l’âtre. Avec le léger son de la pluie s’écrasant sur les carreaux et de la voix de Florian dans ses oreilles, ainsi que la douce chaleur du feu qui se répandait lentement autour d’eux, il aurait presque pu oublier la visite surprise dont ils avaient été victimes. C’était suffisant pour qu’un élan de fatigue l'envahisse soudainement; un sentiment plus que familier, mais qui, cette fois-ci, était presque confortable.

Comme s’il aurait pu s’endormir, juste comme ça, s’il se laissait aller; et il l’aurait sans doute fait, si ce n’était pas des souvenirs du fantôme qui, il le savait, allaient alimenter de nombreux cauchemars au cours des prochaines nuits. S’il ne venait pas tout juste de rencontrer Florian - parce que de se croiser en classe sans s’adresser la parole ne faisait pas partie de sa définition de rencontrer quelqu’un - et que Liang ne voulait pas empirer l’opinion sans doute pas très flatteuse que l’autre avait de lui.

Et s’il ne s’agissait pas du fait qu’il était intéressé par ce que l’autre avait à dire. Était intéressé à continuer leur conversation, à en apprendre un peu plus sur lui, et à juste… parler, vraiment.

Pour autant de temps que l’autre allait bien vouloir lui accorder, et plus encore. Peut-être qu’il pourrait s’asseoir avec lui la prochaine fois qu’ils allaient avoir un cours en commun? Oh, Liang savait que Jean-Loup allait sans aucun doute faire la tête s’il ne s’installait pas avec lui, mais s’il s’agissait d’une classe qu’il ne partageait pas avec son meilleur ami…

Il ne restait plus qu’à espérer que Florian n’allait pas le rembarrer comme un malotru, parce qu’il était convaincu que si c’était le cas, il allait mourir de honte, passer dans l’au-delà suite à une attaque soudaine de combustion spontanée.

Et non, il n’exagérait pas du tout.

Puis voilà qu’on lui demandait soudainement depuis combien de temps il aimait le théâtre, ou si - blasphème! - il était là à cause d’une simple envie de s’y essayer, mettant fin à toutes ses pensées peut-être un rien ridicules.

Aussitôt, Liang pu sentir une partie de l’épuisement qui l’habitait s’envoler, cette passion emplie d’enthousiasme qui l’animait chaque fois qu’il avait l’occasion de se lancer sur le sujet s’éveillant à sa place.

Car voilà; il aimait ses amis - vraiment, de tout son coeur -, ces derniers le laissant bien souvent s’étendre en long et en large sur tout ce qui lui venait en tête sans jamais lui donner l’impression qu’il leur tombait sans cesse sur les nerfs avec sa tendance à déblatérer sans s’arrêter. Mais il n’en restait pas moins qu’il n’y avait personne qui comprenait vraiment. Personne qui possédait la même passion que lui, avec qui il pouvait en discuter par réel intérêt.

Et Liang espérait que, peut-être, Florian partageait cette même passion.

Avec un regain d’énergie soudain, Liang roula sur le dos, plaçant un bras sous sa tête et faisant usage de sa main libre afin d’illustrer ses propos avec un enthousiasme certain.

Il fallait dire que, une fois lancé, il était parfois un peu difficile de l’arrêter.

-Si j’aime le théâtre? Oh, mais j’adore ça. Je veux dire, j’aime beaucoup de choses, mais le théâtre… je sais pas, c’est juste différent. C’est le truc que je veux faire dans la vie, tu sais? Un truc qui me passionne depuis que je suis petit. Enfin, dit-il, s’arrêtant le temps de quelques secondes pour désigner l’entièreté de sa figure pas des plus impressionnantes d’un geste de sa main libre avec un sourire amusé. Plus petit, j’imagine. J’ai vu une pièce montée par mon école quand j’étais au primaire et, en y repensant, c’était sans doute particulièrement nul, mais à l’époque, c’était le meilleur truc que j’avais vu de ma vie. Et c’est là que j’ai décidé que c’est ce que j’allais faire plus tard. Pouvoir juste… être quelqu’un d’autre, le temps d’un instant, divertir les gens et… et les rendre heureux comme je l’étais quand j’ai vu cette pièce quand j’étais gamin? C’est un peu mon rêve, quoi. Et ça m’avait manqué, vraiment, continua Liang, tournant la tête pour regarder l’autre élève. Parce que bon, à Gargoule, y avait rien comme le Drama club avant aujourd’hui et, okay, j’aurais sans doute pas pu participer l’an dernier comme mon français était vraiment horrible, oh my god, c’était vraiment le pire, mais maintenant, au moins, on me comprend quand je parle. Et j’imagine qu’on verra bien comment ça va se développer dans le futur, mais dans tous les cas, je suis vraiment heureux que tu l'aies lancé, même si, selon ce que tu dis, ça a pas l’air d’avoir été très facile pour toi. Un sacrifice que t’auras pas fait en vain, je te l’assure.

Dans sa dernière phrase, une sincérité qu’il espérait que Florian allait parvenir à entendre, et ce malgré son ton presque blagueur.

Parce qu’il avait laissé beaucoup de choses derrière quand il avait dû partir de chez lui, quitter son école ainsi que la presque totalité des gens qu’il avait connus jusque-là. Il n’en parlait jamais vraiment, n’aimait pas y penser lorsqu’il pouvait l’éviter et encore moins le mentionner à qui que ce soit, mais la transition avait été… difficile. Alors vraiment, de pouvoir d’une certaine façon retrouver une des choses qui lui était réellement importante? Liang ne savait pas comment il allait être en mesure de suffisamment le remercier, de lui montrer toute la reconnaissance qu’il avait ressenti lorsqu’il avait posé les yeux sur la petite affiche collée au mur, plusieurs jours plus tôt, et qui était toujours soigneusement pliée au fond de sa poche.

Un sentiment qui était d’autant plus présent après lui avoir actuellement parlé; parce que, vu les dire de Florian, c’était facile de deviner de ce dernier n’avait probablement pas cette aisance que lui-même avait à tout simplement se mêler aux autres, à accoster le premier venu comme si de rien n’était pour se taper la discute juste parce qu’il s’emmerdait.

Alors d’être capable de créer quelque chose comme ça, quelque chose qui, malgré des débuts peut-être plus humbles que l’autre garçon ne l’aurait souhaité, demandait de se lancer dans cet inconnu social qu’il avait mentionné au préalable? Ça voulait sans doute dire que ce club était spécial pour lui aussi.

-Et je sais pas, j’imagine qu’on doit juste être différent? J’aime parler aux gens, rencontrer de nouvelles personnes et tout ça. En plus, ça me permet de me faire de nouveaux amis, ce qui est toujours une bonne chose, dit Liang en haussant des épaules du mieux qu’il le pouvait vu sa position sur le sol. Mais sinon, et toi, du coup, j’imagine que tu dois aimer le théâtre aussi, pour avoir décidé de créer le Drama club? Ça fait longtemps que tu y pensais? Ah, mais en vrai, t’as dû voir plein de pièces vraiment géniales, en plus, parce que j’ai entendu dire que la France était reconnue pour avoir quelques-uns des meilleurs théâtres au monde!

Est-ce que c’était d’ailleurs là une des raisons pour laquelle il avait à peine protesté lorsqu’on lui avait annoncé qu’il allait déménager à l’autre bout du continent?

Absolument.

Octobre, 2021

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artemis

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some achieve greatness,

and some have greatness thrust upon them.

Il y a deux façons d'aimer l'art de la scène. La première, et la plus légitime, à mes yeux, l'amour de l'art et du texte. Aimer transmettre une histoire, qu'elle soit belle ou absolument terrible ; éveiller les consciences. Car le théâtre, plus que de se jouer, il se lit. Et il me semble important de ne pas oublier cet aspect : certes, la mise en scène, c'est une chose très importante. Mais la lecture d'une pièce est aussi jouissive à mon sens. Ce sont des auteurs qui ont travaillé sur ces répliques, qui en ont fait de petites bijoux d'orfèvrerie, des morceaux de pensées percutantes… Car chaque dialogue, chaque prise de parole d'un personnage a son importance, dans les bonnes pièces. Il s'agit de caractériser cet être de papier, qui prendra vie, un jour, de forger ce profil auquel les spectateurs croiront enfin le temps de quelques heures. Ah, l'illusion théâtrale – illusion de vie, d'existence – n'est-ce pas merveilleux ? L'esprit humaine est décidément extraordinaire.
Puis, il y a une autre façon d'aimer le théâtre. Il s'agit de vouloir briller sur une scène : monter sur les planches pour faire le show, pour se montrer, pour avoir la vedette. Est-ce légitime ? Je ne sais pas. Parfois, je doute que ce soit suffisant pour être un bon comédien. Il faut bien plus. L'amour des textes est pour moi indissociable de l'acteur de talent. Il faut sentir le texte, s'en imprégner, le faire sien pour bien le jouer. En clair, se croire personnage, en se gorgeant de ces mots silencieux qui ont pour destin de sonner.

J'ai eu plusieurs coups de foudre littéraires. De ces personnages qui ont produit quelque chose en moi… L'envie de les incarner, un jour, de les faire miens… Des résonances, sans doute. Des points communs.
Les œuvres moldues sont merveilleuses pour cette raison : il existe bien peu de pièces du théâtre sorcier sur cette question du reniement, de rejet social. Dans les pièces moldues, par contre, il en est tout autre. C'est même, à certaines époque, l'objet central, le propos développé. Et je trouve cela passionnant.
Je me suis reconnu dans ce Lorenzaccio, ce grand personnage romantique, détesté de tous, moqué, rabaissé, qui brillait pourtant de l'éclat doré de sa jeunesse splendide. Quoi ? Rongé par le monde qui l'entoure, par cette époque viciée qu'est la Renaissance Italienne… Trompé par ses propres espérances, et seul, enfin, seul face au monde, livré à lui-même. Plus personne qui ne croit en lui – seulement lui, en réalité, cette confiance sourde, qui vacille à la menace du doute… Mais il tient, jusqu'au bout, à son rêve. Sans ciller. Ce rêve de renaissance qui prend racine dans le meurtre du tyran qui rend le monde si sombre…

Je n'aime pas la fin.

A-t-il été trop naïf, Lorenzo ? Naïf de croire qu'un seul homme était responsable de cette nuit éternelle ? Bien sûr que cet assassinat, aussi héroïque soit-il, n'a rien changé. Toujours la même nuit, toujours ce voile sur un avenir décidément gangrené. La désillusion finale est déchirante. Ne compter que sur soi-même, parfois, cela fait défaut.

Je ne me reconnais que trop dans ce personnage. Ce désir de vengeance, de montrer au monde entier qui ne croit plus en moi ce que je vaux. Mais j'ai peur. J'ai peur que la fin soit la même, que la déception soit aussi grande, que je me rende compte, au final, que tout cela n'a servi à rien.
Et que ferais-je alors ?
C'est la terrible question qui résonne comme un requiem : que ferais-je alors ? Est-ce que vivre aura encore un sens ? Car je vis pour briller. Je vis pour m'en sortir, moi. Pour leur montrer que j'ai du talent, que j'ai ma place.

All world's a stage and all men et women merely players.

Finalement, je ne suis pas si différent de Liang. Je suis sur scène, et je joue mon rôle du mieux que je peux. Je veux impressionner, sidérer. Je veux être le meilleur.

Je souris à peine à sa dernière phrase. C'est un compliment.
Je ressens une certaine satisfaction à avoir fait le bonheur de quelqu'un, mais ce n'est pas suffisant. J'espérais un plus grand éclat, une véritable réussite. Et si Darius apprenait qu'une seule personne était venue, que dirait-il ?
Un frisson parcourt mon échine, me secoue d'un tremblement irrépressible. De la peur ? Ou de la colère. Le tout mélangé. Cette haine fraternelle me dégoûte. Toujours attendre que l'autre se ramasse pour mieux s'en servir, pour mieux s'en moquer. N'est-ce pas à vomir ?
Je fais pareil. Je n'ai aucune excuse. Dès que je peux le piquer là où ça fait mal, je le fais.

Mais de tout ça, Liang ne s'en doute pas. Il est juste bercé par la joie de pouvoir enfin jouer, exercer sa passion, sans doute. Et rien que pour cette raison, quelque chose me dit que je devrais sans doute persévérer. S'il y a eu un faux départ, est-ce que cela veut dire que cela ne pourra pas marcher ? Peut-être pas. Ça vaut le coup de se donner les moyens de retenter ma chance.
Et au moins…
Au moins j'aurais pu parler avec lui – enfin. Alors, certes, il n'est pas aussi sublime que je l'espérais – j'ai bien trop tendance à métamorphoser ces impressions fugaces en fantasmes persistants. Des personnes réelles en personnages de romans. Romanesques, c'est le mot. Et je devrais savoir que tout ceci n'est qu'un mensonge, mais je ne peut pas m'empêcher d'en être profondément déçu.

Maintenant… Maintenant, ce n'est pas si terrible.
Il s'est allongé à même le sol gelé, devant l'âtre qui projette ses lueurs incandescentes, légèrement tremblantes, sur sa peau blanche et ses vêtements. Le sarcelle de ses cheveux a pris une teinte plus terne et orangée. Je devine les prunelles noires sous les lentilles de couleur.
Laisse trainer trop longtemps ce regard insistant sur le corps qui est étendu devant moi. Tourne la tête, enfin, pour fixer mes yeux fatigués sur les flammes. Des larmes se pressent bientôt contre mes paupières, à cause de la lumière et de la chaleur.
Peut-être pas parfait, mais tout de même satisfaisant.

Et moi qui dois lui apparaître comme un pauvre type râleur et misanthrope. Quelle joie.
Mais pourtant, plutôt que de se moquer simplement, comme il pourrait très bien le faire, il s'escrime à me rassurer. Liang-Xue est sans aucune doute une bonne âme. Une personne sur laquelle on peut compter, les yeux fermés. Mais je n'ai l'habitude d'accorder ma confiance.
À voir. Cela pourrait venir.
Voir s'il est aussi intéressant qu'il y parait.

Je reprends finalement la parole, en glissant de nouveau mon regard neutre sur son visage souriant. Ses questions sont de pures formalité, pour que le silence ne gagne pas la partie.

– Pas tant. J'y ai pensé ces grandes vacances. Je me suis dit… Que c'était le moment, je ne sais pas. Je crois que j'ai eu une grande période de remise en question, et l'envie de m'affirmer tel que je suis, sans me soucier du regard des autres.

C'est une explication très vague, mais aussi très personnelle. Pourtant, je ne ressens pas vraiment de honte à l'exprimer, cette volonté de devenir quelqu'un d'autre – celui, en réalité, qui était prisonnier de cette enveloppe corporelle encore trop timide pour se libérer.

– C'est bien pour ça, le théâtre, n'est-ce pas ? Apprendre à se laisser aller. Mais moi, j'aime surtout en lire ; je fais ça depuis que j'ai dix ans, à peu près. Je crois que, finalement, le théâtre m'a aidé à accepter certaines choses difficiles. C'est l'avantage de la littérature, après tout. Il n'y a rien d'étonnant à cela.

Accepter, peut-être pas. M'évader, sans doute beaucoup plus. Ne plus penser à la tragédie dont j'étais le personnage principal. Désormais, ma vie est un drame qui, je l'espère, a une finalité heureuse.
Mais assez parlé de moi, n'est-ce pas ? Je ne suis pas forcément de ceux qui aiment s'étaler sur leur vie privée. Cela ne regarde personne. Alors, sans attendre, je glisse sur un autre sujet, saisit l'occasion en or, cette perche tendue.

– Tu es arrivé en France il y a deux ans, c'est ça ? Ton français est… Étonnamment bon. Tu fais juste quelques petites fautes d'accord et de prononciation, par-ci par-là. Et tu me comprends bien, même quand je parle vite ? I only speak a little English, donc je ne pourrais pas être d'une grande aide, je crois. J'essaie seulement d'apprendre l'anglais pour pouvoir le lire. Alors le parler… Je grimace et laisse échapper un petit rire. J'ai un accent terrible. Sans doute que je suis très fort en franglish mais ça s'arrête là.

Je m'étire un peu, me rapproche légèrement de lui, plante mon regard dans le sien, et sans grande transition :

– Tu as déjà lu une pièce de théâtre française ? Lorenzaccio, de Musset, ça te dit quelque chose ? C'est moldu, et c'est génial. Il paraît qu'on apprend mieux une langue quand on se confronte à de bons auteurs.

*Tableau inventaire*	1
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*Tableau des sortilèges (ordre alphabétique SVP)*
1	fuck
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4	et
5	surtout
6	vos
7	sales
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*Tableau des potions (ordre alphabétique SVP)*
1	au
2	moins
3	je
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5	pas
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7	me
8	cramer
9	la
10	gueule
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*Tableau inventaire*	1
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion
Nom de la potion	Nom de la potion

*Tableau des sortilèges (ordre alphabétique SVP)*
1	fuck
2	la
3	magie
4	et
5	surtout
6	vos
7	sales
8	baguettes
9
10
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*Tableau des sortilèges (ordre alphabétique SVP)*
1	Accio
2	Allohomora
3	Expelliarmus
4	Expulso
5	Lumos
6	Nox
7	Recurvite
8	Reparum
9	Riddikulus
10	Wingardium Leviosa
11	Charme de Remplissage
12	Incendio
13	Tergeo
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*Tableau des potions (ordre alphabétique SVP)*
1	Potion d'aiguise-méninges
2	Potion d’amnésie
3	Philtre de confusion
4	Potion d'Enflure
5	Vapeur de fatigue
6	Remède contre les furoncles
7	Herbicide
8	Potion de ratatinage
9	Potion de Babillage
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